La pénurie des médecins généralistes (MG) constitue un défi majeur pour de nombreuses communes, compromettant l'accès aux soins de santé primaires pour de nombreuses communautés. Bien que les lois du marché influencent souvent les choix d'installation, la réalité médicale diffère considérablement. Les MG ont tendance à privilégier les zones socioéconomiquement favorisées pour des raisons de qualité de vie et d'avantages non-monétaires, entraînant ainsi la création de déserts médicaux dans les régions les plus défavorisées.
Dans ce contexte, la proposition que j'ai pu introduire au MR visant à promouvoir des incitations financières et la mise à disposition de locaux, voire des bourses d'études en échange de l'engagement de s'installer dans des zones en pénurie, est une première étape essentielle. Cependant, il faut reconnaître que ces mesures pourraient ne pas suffire à elles seules à résoudre la crise. Il faut oser dépasser le tabou malgré les critiques.
Nous devons explorer des approches novatrices et concertées. Inspirées du modèle de formation des médecins spécialistes, des stages obligatoires dans les zones en pénurie pourraient être instaurés pour sensibiliser les jeunes médecins à l'importance des soins de santé primaires dans ces régions. En cas de nécessité et d'urgence sanitaire, ce qui arrivera d'ici deux à trois ans, une réflexion sur l'obligation d'installation dans les zones déficitaires, avec des conditions bien définies et pour une durée limitée, pourrait être envisagée. Cette mesure pourrait être une solution temporaire pour garantir un accès équitable aux soins de santé pour tous. Nous devons éviter, du moins, de dupliquer le même exemple que certains pays européens qui doivent faire des coopérations internationales pour recruter des médecins venant hors UE. Par exemple, Guimpanp, une ville de France, a recruté des médecins cubains pour remplir leurs hôpitaux. Ce serait un très mauvais exemple envoyé à nos étudiants et au modèle d'enseignement que nous proposons en Belgique si nous appliquons le même procédé.
Parallèlement, nous devons renforcer l'attractivité des zones déficitaires en proposant des incitations telles que la réduction de la récurrence des gardes et la promotion de la médecine rurale auprès des étudiants en médecine. Des initiatives existantes, telles que la journée de la médecine rurale organisée par Santé Ardenne, ainsi que la sensibilisation régulière sur les aides à l'installation telles que IMPULSEO, doivent être renforcées et étendues. Même si, à mon sens, ces mesures supplémentaires ne seront jamais efficaces sur le long terme et surtout peu quantifiables.
Je suis conscient qu'il y a notamment une crise de la médecine générale qui est aussi corrélée à un grand nombre de patients sans médecin traitant, probablement en raison de la charge de travail alourdie des médecins en exercice. Selon une étude récente du DRESS français de 2024, les choix de localisation des médecins peuvent aggraver la situation et sont déterminés par plusieurs éléments, notamment le milieu d’origine du médecin, les facteurs professionnels et liés à l’aménagement du territoire. L'étude expose aussi que la littérature internationale fait état d’un effet positif de la restriction de liberté sur l’équité de distribution géographique des médecins, mais cette mesure doit être incluse dans un ensemble de mesures diverses et globales pour pallier ses limites.
Je suis conscient qu'il faut former plus de médecins généralistes, mais sur les prochaines années, nous paierons une politique défaillante en matière de santé et devrons valoriser davantage ce métier par une rémunération plus attractive, une réforme des nomenclatures et une réduction de la charge administrative. Il convient d'étudier si les infirmiers peuvent jouer un rôle de complémentarité en première ligne.
Comme je le souligne dans un article de presse, la santé est un bien commun et la solidarité sociale implique parfois des sacrifices individuels pour le bien-être collectif. Face au besoin urgent de 730 médecins généralistes supplémentaires dans plusieurs provinces belges dès 2023-2024, une action rapide et concertée est nécessaire pour relever ce défi et garantir un système de santé accessible et équitable pour tous. De ce fait, si un consensus n'est pas trouvé, une solution pourrait être la « semi-liberté d’installation », un système de verrouillage des zones surdotées en médecins et autoriser ceux-là à s’installer où ils veulent dans les zones en manque par un système de contractualisation. A débattre ?
Dr Bakhouche
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